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Oyez Périgord

Petits matins d’Homo sapiens

Par Alain Bernard
Publié le 12 mai 2015

Sophie Cattoire et Jean-Jacques Hublin

Jean-Jacques Hublin, éminent spécialiste de l'évolution humaine
et biographe de Boucher de Perthes, en compagnie de la réalisatrice Sophie Cattoire.
Photo : Vincent Lesbros, FERRASSIE TV

1. Naissance de la Préhistoire

Y aurait-il dans l’air comme un frémissement de synthèse ? Le Musée national de Préhistoire des Eyzies a donné dans le panorama néandertalien, le Pôle international de la Préhistoire dans les grottes ornées et la Société historique et archéologique du Périgord s’est penchée sur ses apports – non négligeables – à la Préhistoire à ses débuts. Avec Brigitte et Gilles Delluc, elle avait déjà minutieusement recensé les découvertes d’art pariétal en Dordogne depuis 1947.

Aujourd’hui se fait jour un indépendant projet ambitieux de rendre compte, par l’image, de « La Naissance de la Préhistoire », autour d’une fresque de celles et ceux qui en ont développé l’esprit.

Marylène Patou Mathis et le Professeur Yves Coppens

Marylène Patou Mathis décorée de la Légion d'Honneur
par le Professeur Yves Coppens au Muséum National d'Histoire Naturelle à Paris.
Photo : Vincent Lesbros, FERRASSIE TV

Depuis la Ferrassie

L’initiatrice en est Sophie Cattoire, grand reporter TV qui a installé son studio de Ferrassie TV (producteur du projet) sur le site emblématique néandertalien de la Ferrassie.

Ce lieu magique et encore mystérieux, à un jet de silex du Bugue, lui a servi de tremplin pour réaliser des œuvres déjà saluées loin à la ronde comme « Le Dernier Paysan Préhistorien » (Gilbert Pémendrant à Meyrals) ou « Un Château Hanté par la Préhistoire » (chez Claude Douce à Aubas).

Elle a participé avec succès en France, en Suisse et aux États-Unis à de multiples festivals, et été élue femme de l’année du Club de la presse du Périgord en 2014.

L’art plus fort que la mort

Pourquoi ce film documentaire de type long métrage, réalisé avec son collaborateur en création Vincent Lesbros, un maître de l’image, de la photo et du son ? Tourné à Paris, en Picardie (la terre de Jacques Boucher de Perthes), en Midi-Pyrénées et en Dordogne, il devrait entre autres répondre à une question majeure sur l’art, vrai passeport d’immortalité pour nos ancêtres, et à une interrogation plus générale de logique historique.

Jean Clottes

Screen shot : Jean Clottes, illustre préhistorien spécialiste de l'art pariétal,
le jour de l'inauguration du Musée Forum de l'Aurignacien à Aurignac.

Ce film va ainsi poser la question du cadre de pensée délimité au XIXe siècle par les chronologies courtes établies par des exégètes issus du l'institution religieuse (l'archevêque James Ussher) aussi bien que par des savants (Isaac Newton). Calculant le nombre de générations nous séparant d'Adam et Eve, ils avaient établi que le monde avait été créé le 23 octobre de l'an 4004 avant Jésus-Christ, et, faute de science, tout le monde adhérait à ce calendrier. Sophie Cattoire, de longue date fascinée par la psychosociologie, cette approche qui tend à démonter les mécanismes qui nous manipulent aujourd'hui comme autrefois, aborde ainsi son épopée, sorte de flash back 150 en arrière : « Il ne s'agit pas de juger car à cette époque nous aurions pensé exactement de la même manière. Il s'agit de s'interroger sur les cadres qui délimitent aujourd'hui encore notre pensée, ce qui est très intéressant car ils sont inconscients jusqu'à ce que des éclaireurs, des donneurs d'alerte, pointent l'invraisemblance ou la cruauté de tel ou tel comportement ».

C'est précisément ce que feront dans la foulée de la Révolution Française, des esprits libres qui substitueront à la soumission, l'esprit critique et la raison.

De la Picardie au Périgord

Ces précurseurs ont pour noms, dans la Somme, Jacques Boucher de Perthes, visionnaire mais mal compris de son temps et, en Dordogne, Henry Christy et Edouard Lartet (puis son fils Louis), premiers préhistoriens dignes de ce nom, arrivés aux Eyzies après avoir fouillé Aurignac, intuitions géniales en terme de découverte.

De même qu’Ellis Owen avait, au même XIXe siècle, fait s’interroger avec terreur sur les dinosaures (mot qu’il avait inventé), ce sont ces pionniers studieux et imaginatifs à la fois qui auront permis qu’à travers ce documentaire se pose la grande question des origines : qu’est-ce qui fait l’Homme, quels sont les critères d’humanité admis au XIXe siècle ?...

2. Une douzaine de grands témoins

Germinal Peiro et Jean-Max Touron

Germinal Peiro et Jean-Max Touron, le jour de l'inauguration de l'abri Cro Magnon aux Eyzies.
Photo : Vincent Lesbros, FERRASSIE TV

Le film de Sophie Cattoire, sur une musique originale de Vincent Lesbros, qui abordera La naissance de la Préhistoire au XIXe siècle comprendra au moins deux grandes parties aux titres éloquents.

Il s’agit de : « La vie avant soi » et « La nature de l’Homme, toujours un mystère ».

Sa sortie en salle est prévue pour 2016, les avant-premières sont en train d'être programmées en Picardie, en Midi Pyrénées et en Dordogne. Ce film est très largement pressenti pour faire l'ouverture du prochain Festival du Film d'Archéologie d'Amiens et pour être également projeté en lever de rideau du Congrès de la Société Préhistorique de France qui se tiendra à Amiens en juin 2016, deux rendez-vous particulièrement honorifiques.

Passeurs d’idées

Parmi les personnalités scientifiques qui y interviendront, on peut citer :

  • Yves Coppens, paléontologue et anthropologue des hommes du passé
  • Jean-Jacques Hublin, anthropologue, fondateur et directeur du Département d’Évolution Humaine au Max Planck Institut de Leipzig
  • Marylène Patou-Mathis, archéozoologue au Muséum National d'Histoire Naturelle et à l'Institut de Paléontologie Humaine
  • Jill Cook, responsable du département Préhistoire au British Museum
  • Bruno Maureille, paléoanthropologue, Bordeaux 1
  • Jean-Luc Locht, archéologue à l'INRAP de Picardie
  • Jean-Pierre Chadelle, archéologue, Dordogne
  • Jean-Clottes, préhistorien, spécialiste de l'art pariétal, Midi-Pyrénées
  • Marie-Françoise Aufrère, philosophe, filleule de l’abbé Breuil
  • Véronique Merlin-Anglade, Conservatrice du Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord
  • François Bon, Professeur de Préhistoire et chercheur, Toulouse
  • Baudouin Napoléon de Witt, propriétaire du Musée Napoléon à Cendrieux (24).
Le Professeur Yves Coppens en compagnie de Gilles et Brigitte Delluc

Le Professeur Yves Coppens en compagnie de Gilles et Brigitte Delluc, le jour de l'inauguration de l'abri Cro Magnon aux Eyzies.
Photo : Vincent Lesbros, FERRASSIE TV

Prise de conscience

Sophie Cattoire précise qu’elle s'est entourée des meilleurs spécialistes de l'Évolution Humaine, choisis tant pour l'ampleur de leurs connaissances que pour leur profond désir de les partager. Elle a ainsi, après dix années passées à explorer les chantiers de fouilles, les conférences et les musées, eut le bonheur de faire des rencontres décisives qui ont motivé ce projet.

Jean-Luc Locht

Jean-Luc Locht, archéologue à INRAP de Picardie, mène de nouvelles fouilles dans les carrières d'Abbeville où Boucher de Perthes fit ses premières découvertes.
Photo : Vincent Lesbros, FERRASSIE TV

Ce film, résolument grand public, va donner la parole à ces personnalités qui par leurs recherches contribuent à une nouvelle prise en compte de l’Homme. Le récit sera porté par un univers visuel et sonore cinématographique, une lumière soignée et une bande son originale composée par Vincent Lesbros. Cette approche sera de nature à restituer ce voyage en terre inconnue que fut la révélation d'une Préhistoire avant l'Histoire au XIXe siècle.

Cette prise de conscience est loin d’ailleurs d’être achevée et elle passe peu ou prou par la statue du Musée des Eyzies qui on le sait, n’est pas celle de Cro-Magnon, mais plutôt d’un Néandertal illustrant « L’esprit se dégageant de la matière »…

À savoir :

Ce troisième film consacré à la naissance de la Préhistoire au XIXe siècle s'inscrit dans une collection de films « pour voir la Préhistoire de l'intérieur » initiée par Sophie Cattoire et Ferrassie TV en 2006.

Le premier opus consacré à Gilbert Pémendrant, propriétaire de la grotte ornée de Bernifal, "Le Dernier Paysan Préhistorien" dorénavant célèbre, récompensé par de nombreux prix en Europe et par un Award aux États-Unis fut suivi par "Un Château Hanté par la Préhistoire" qui empreinte le même chemin. Voyage onirique au pays des ancêtres, ce film qui s'est vu décerné le Prix du Meilleur Film pour l'Approche Originale au Festival Objectif Préhistoire du Pech Merle sera projeté lors du grand rendez-vous du film d'archéologie aux États-Unis, The Archaeology Channel International Film and Video Festival, les 18 et 19 mai prochains à Eugene dans l'Orégon.

Infos pratiques :

Pour organiser une projection de l'un de ces deux films, il suffit de contacter Sophie Cattoire au : 09 64 11 78 52. "Le Dernier Paysan Préhistorien" et "Un Château Hanté par la Préhistoire" sont parus en DVD, Prix : 20 € pièce, sur commande à Ferrassie TV, 24260 Savignac-de-Miremont, ou en ligne sur le site www.albuga.info

Alain Bernard

FERRASSIE TV